Lettre aux Libanais

Article d'opinion de Habib Tawk, Contributeur

Novembre 23, 2020

À mes résidents, pas tous très chers.

 

Il est dit qu’un parent aime tous ses enfants également et à l’infini ; ne vous détrompez pas, je vous ai tous aimés à l’infini. 

J’ai essayé de perpétuer la tradition mais vous m’avez rendu la tâche beaucoup trop dure, voire impossible. 

Vous faire part de ma déception est mon intention : nombreux sont les fils et filles qui m’ont déçu. 

Vous vous êtes ensanglantés pour mes morceaux invitant d’autres étrangers à la table. Vous avez vendu mes pièces aux plus offrants. Vous avez lancé une rébellion contre moi, vous m'avez érigé. 

Je suis le parent qui ne meurs jamais, pourtant, vous m'avez enterré vivant pour un héritage. Vous m'avez mis en pièces ! 

Je suis désolé de dire à ma progéniture reconnaissante - qui se comporte bien - que je prends ma retraite ; je n'ai plus ce qu'il faut pour vous aimer tous et je dois avouer que certains de vos pieds ne sont plus réconfortants sur mon sol sacré. Vos armes sont beaucoup trop bruyantes pour mes cèdres, je suis dégoûté par le fait que vos pieds sales marchent sur les corps et le sang de mes bien-aimés. Aujourd’hui je tire ma révérence, le phœnix prend sa retraite ! Vous m’avez ressuscité beaucoup trop de fois, je suis encore une autre victime d’acharnement thérapeutique. Je renaîtrai de mes cendres lorsque vous vous réunirez pour combattre à mes côtés, vous TOUS. 

Je vous fais part de mes conditions de retour : les ingrats ne sont plus les bienvenus chez moi, les profiteurs non plus. Les fumeurs peuvent rester mais sans leurs fumoirs.

Les commerçants qui recherchent encore des offres pour me liquider, je suis désolé de devoir ainsi l'annoncer, mais je ne suis pas à vendre. 

Les enfants qui vivent sur mon sol ne sont pas à vendre, les femmes et les hommes non plus ; et surtout pas leurs voix, et absolument pas leurs opinions et leurs croyances. 

Mes enfants perdus depuis longtemps, vous êtes toujours les bienvenus à rentrer à la maison, non pas que vous m'ayez oublié, mais je sais à quel point il doit être difficile que certains de vos frères et sœurs prennent toujours possession de moi et s'étirent trop les jambes sur ma Terre. Quant à ceux de mes enfants qui disent au revoir, je ne peux que les rassurer qu'un jour, j'aurai nettoyé mes territoires de toutes les ordures restantes et j'aurai renié certains de vos horriblement mauvais frères et sœurs. Ne vous sentez pas honteux ou moins dignes de me quitter, certains le voudront pour qu'ils aient encore une chance de vous arnaquer. 

Déployez vos ailes et volez haut comme je vous l'ai appris, le monde reconnaîtra que vous êtes l'un des miens.

Une fois que vous m'avez quitté, rappelez-vous toujours que vous êtes mon ambassadeur où que vous partiez dans ce monde et que je serai toujours à votre écoute. Quand tout s'arrangera, revenez, vous m'aurez manqué. 

Pour ceux qui restent, je me battrai à vos côtés, comme je le fais en permanence. Cette fois-ci sera plus difficile car j'ai été poignardé de l'intérieur de mon cœur et cette blessure mettra du temps à guérir.

Amour, Union, Force, Travail et Honnêteté.

 Liban 

Previous
Previous

Le Pari de Pascal, version Beyrouth 2020

Next
Next

SOS Enfance en détresse (La déscolarisation des réfugiés syriens au Liban)