Thérapies de conversion au Liban: la face cachée - Les tortures que subissent certains LGBT+ au Liban et l’action que LebMASH déploie pour les contrer

Hestia Akiki, Rédactrice

Août 3, 2021

Ce n’est un secret pour personne : la communauté LGBT+ du Liban rencontre de nombreuses difficultés au quotidien, et comme toutes celles de par le globe, elle doit faire face à un fardeau supplémentaire : les thérapies de conversions. Basée sur la conception erronée que l’homosexualité est une maladie et qu’elle peut être guérie, elle constitue une véritable torture pour ses victimes. C’est ce que décrète en 1992 l’Organisation mondiale de la santé et en 2013, la société libanaise de psychiatrie et l’association libanaise de psychologie. Cependant, malgré ces deux condamnations on observe toujours au Liban, comme dans d’autres pays, ces manœuvres. Dans le but d’achever ce supplice absurde au Liban, une ONG, LebMASH, décide d’intervenir.

Au Liban : des « thérapies » répandues…

« Les thérapies de conversion au Liban sont répandues » déclare Dr. Suha Ballout, présidente de LebMASH et docteur en sciences infirmières à l’université de Massachusetts à Boston, lors d’un entretien avec The Phoenix Daily. Le plus souvent, c’est les parents de la victime qui la poussent à subir ces thérapies. Par amour pur et simple pour leurs progénitures, ces derniers craignent leur rejet par une société aux valeurs traditionnelles et hétéronormées. Afin de les faire rentrer dans les normes dans l’espoir d’avoir plus d’opportunités ils les poussent à rejeter leurs orientations sexuelles. « Nous avons découvert lors de notre étude pilote que, contrairement aux pensées courantes, ces thérapies commencent au sein même de la famille via les thérapies de paroles ou talk therapy » continue Dr. Ballout. « Lorsqu’ils doutent de l’orientation sexuelle de leur enfant ou la découvrent, ces derniers commencent à persuader l’individu en lui présentant son orientation comme étant dangereuse contre la morale, la religion, ou encore la nature, etc. ». Ces derniers peuvent d’ailleurs entrainer la victime à se rendre de son plein gré vers ces tentatives : « Quelquefois, ce sont les personnes eux-mêmes qui s’y rendent : cet acte est alimenté par la peur d’être rejeté par la société et par ses proches. Ces derniers ayant pu manifester leur refus de la communauté auparavant. » affirme la présidente de LebMASH.

Un autre milieu joue aussi un rôle particulièrement important : l’école. Enseignants, personnels, infirmières, responsables de cycle, et élèves peuvent pousser un membre de la communauté LGBT ou un membre de sa famille à effectuer ces tentatives via le harcèlement mené par des étudiants, la non-intervention des responsables en cas de bizutages, et les convocations des parents lors de la découverte de l’homosexualité de l’élève. « La majorité du corps enseignants ne possède pas de données rigoureuses ou scientifiques concernant la communauté LGBT+, elle se base le plus souvent sur des convictions personnelles ou des valeurs traditionalistes » relève Dr. Ballout.

Suite à toutes ces pressions, le sujet se voit contraint de se diriger vers les thérapies de conversion. Ces dernières sont dispensées par divers professions venant à titre personnel ou issues de mouvements internationaux. Personnels soignants, psychologues, docteurs, psychiatres, individus n’appartenant pas au personnel de santé, d’autres revendiquant à leurs activités un aspect religieux, les profils du « thérapeute » peuvent prendre des aspects divers. Bien que la plupart soient des acteurs locaux, « certains viennent de l’étranger, dispensant des séminaires et recherchant des adeptes afin de les aider à pratiquer ces manœuvres. Cependant, les plus répandues sont les thérapies de conversion présentent sur les réseaux sociaux qui sont en hausses avec la non régulation de leurs activités. ». Plusieurs démarches n’émanant d’aucun fait scientifique ont été reportées à l’association : « Certaines de ces thérapies ont recours à des aphrodisiaques afin d’exhiber le désir sexuel tout en associant ces substances à des images de couples hétérosexuels, d’autres ont recours à des électrochocs et autres moyens de torturer la victime tout en lui montrant des images de couples homosexuels. Toutes ces manœuvres ont pour but d’éduquer la pensée et la mémoire de la personne à refuser son orientation sexuelle (associée à la douleur endurée durant ces tortures) », continue Dr. Suha Ballout.

… Nuisant aux individus …

L’orientation sexuelle étant une attirance, elle ne peut être contrôlée. Par conséquent, les thérapies de conversion ayant pour but de modifier cette attirance sont obsolètes, et peuvent, vu les techniques et la pression observée, être nuisibles aux victimes qui y ont recours. En effet, ces dernières mènent à de nombreux problèmes psychologiques mais aussi somatiques. En raison des sentiments de solitude et de culpabilité vécus par les individus, nombreux sont ceux qui souffrent d’anxiété, de stress ou de dépression pouvant mener au suicide ou à la prise de drogues. De plus, le stress peut engendrer de nombreuses complications cardiovasculaires, de l’hyperglycémie, de la tension, etc. « Ces manœuvres vont à l’encontre des droits de l’Homme ! », déclare la présidente de LebMASH.

Malgré ces tortures, aucune loi dans la constitution libanaise ne permet d’empêcher ces thérapies. « À l’étranger, ces pratiques pourraient être sanctionnées, compte tenu que l’on a berné la victime, alors qu’au Liban, aucune loi n’a pu être établie. Il est d’autant plus difficile de le faire vu la situation actuelle. Si une personne a subi ces thérapies par un psychiatre ou un psychothérapeute, elle peut du moins se diriger vers le syndicat afin de le destituer de ses fonctions. » affirme l’experte. « Mais même si une loi est décrétée, elle ne peut rien valoir sans son application. C’est pourquoi notre association privilégie la sensibilisation de la société », ajoute-t-elle.

LebMASH, une ONG qui va en aide aux communautés marginalisées

Face à ce fléau, l’organisation a entamé une étude pilote à l’échelle nationale afin de cerner l’impact de ces thérapies au niveau individuel, social et familial, et d’en tirer les démarches à déployer. En 2018, en collaboration avec la LPA (l’association libanaise de psychologie) et la société libanaise de psychiatrie, elle lance une campagne de sensibilisation concernant ces thérapies tout en renouvelant le décret concernant ces démarches. Une campagne qui sera suivie par nombre d’autres campagnes, séminaires, formations, témoignages de victimes… Tous dans le but de sensibiliser la société, dont les familles, le personnel enseignant, les grandes entreprises, et le personnel soignant. « Elles [les campagnes] permettent de faire comprendre aux familles que ce qu’éprouve leur enfant n’est pas une maladie et qu’il peut s’épanouir en société. Cela permet aussi aux membres de la communauté LGBT+ victimes de ces démarches de comprendre qu’ils ne sont pas seuls : […] une étude a montré que les membres de cette communauté ont plus de chances de s’épanouir et de se soustraire au stress et à l’anxiété s’ils sont acceptés par leurs familles. […] Notre but principal est de permettre aux individus concernés de s’épanouir et de bien se porter », affirme la présidente de l’ONG. De plus, l’association est dotée d’une ligne d’assistance afin de recevoir les appels concernant ces thérapies ou tout autres problèmes concernant ces communautés. Si, durant ces appels, le nom du praticien délivrant les thérapies de conversions est donné, l’association essaiera de rentrer en communication avec lui afin qu’il renonce à pratiquer ces démarches.

Outre cela, l’ONG délivre d’autres services aux communautés marginalisées, principalement des aides médicales. Elle a d’ailleurs fourni le LebGuide, un guide permettant de répertorier les professionnels de santé accueillants envers les membres de la communauté au Liban. Elle dispense des soins médicaux, mais également des séminaires concernant d’autres aspects de la communauté et traitant de thématiques différentes, comme chaque année en mars, avec le LGBTHealthweek. Tous ces projets se déployant malgré les donations qui diminuent, les insultes, et les critiques. Face à la crise qui affecte particulièrement la communauté, LebMASH s’associe avec d’autres ONG afin de dispenser les soins médicaux et autres besoins essentiels dans la campagne de fond Yallacare qui est toujours en cours.

Ainsi, face à des pseudo-thérapies issues de valeurs traditionalistes menaçant une communauté déjà extrêmement malmenée, LebMASH, une ONG, permet de les combattre et de faire parvenir les voix de nombreuses victimes torturées dans le silence.

LebMASH (ou Lebanese Association for Sexual Health) est une association non gouvernementale fondée en 2012 par quatre docteurs libanais ayant constaté l’absence d’une ONG dispensant des aides médicales à la communauté LGBT+ contrairement à d’autres pays qu’ils avaient visités. Suite aux événements qui ont eu lieu au poste de police de Hbeich. Depuis, l’ONG recrute de nombreux spécialistes du domaine médicale ainsi que des bénévoles afin de dispenser le plus d’aides possibles pour la communauté et de sensibiliser la société. Elle a déjà fait de nombreux échanges avec des associations locales et internationales.

Si vous appartenez à la communauté LGBT+ du Liban et que vous êtes victimes de discrimination, vous pouvez contacter le numéro suivant : +961 76085714

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