Les soulèvements au Liban: était-ce ce dont le pays avait besoin? Les soulèvements comme outil pour ressusciter le pays

Analyse d’opinion de Reine Abou Antoun, Rédactrice

Juillet 30, 2021

Un déclencheur, un départ... et la cible ?

« Liberté ! Égalité ! Fraternité ! », tel était le cri des Français qui a conduit à l'abolition du système monarchique héréditaire de la France. Cependant, cette abolition n'a pas été simple, pas plus que la suppression de la monarchie britannique en Amérique, également connue sous le nom de guerre d'indépendance de l'Amérique. En fait, fondamentalement, il s'agissait de guerres intellectuelles et, effectivement, de guerres militaires.

Motivé par plusieurs événements communs - qui sont historiquement reconnus dans la phase préliminaire d'une révolution, selon l'historien Crane Brinton - cela pourrait laisser le peuple libanais dans l’incertitude lorsqu'il s'agit de préciser son état réel. Par exemple, on peut penser à la révolution du 17 octobre qui a été déclenchée par une série d'événements cumulatifs et qui a éclaté à la suite de la taxation du « forfait WhatsApp » ; les Libanais étaient censés protester sévèrement pour diverses décisions capitales prises au fil des ans. Ainsi, les raisons ambiguës de cette révolution remettent en question sa durabilité. La révolution américaine, quant à elle, a éclaté suite à l'escalade des tensions pendant plus d'une décennie entre les colons américains et les autorités britanniques, qui a conduit à la taxation des colonies (notamment le Stamp Act de 1765, les Townshend Acts de 1767 et le Tea Act de 1773) et a suscité de vives protestations de la part de nombreux colons, qui ont alors réclamé leurs droits.

Pourtant, en France, en 1789, une grande famine, des paysans affamés errant dans les villages et les villes, une forte inflation et des nobles devenus des cibles, ont été les premiers déclencheurs de la révolution française, ce qui est exactement ce qui s'est passé au Liban il y a deux ans.

Plus précisément, 863 vols et cambriolages ont été enregistrés au cours du premier semestre de 2020, ce qui représente une hausse par rapport aux 650 enregistrés pour toute l'année 2019 par les Forces de sécurité internationales (FSI), tout en notant que le ministre de l'Intérieur et de la Défense a déclaré que les FSI sont incapables de contrôler les taux de criminalité. Par ailleurs, le taux d'inflation a atteint un niveau dramatique de 110,24% en avril 2021 selon l'Administration centrale des statistiques. D'autre part, les mêmes forces ne cessent de bloquer les manifestants individuels, les derniers en date étant le 13 juillet, lorsque les proches des victimes de l'explosion du 4 août ont manifesté devant la maison du ministre Mohammad Fehmi, demandant la levée des immunités pour la justice, ainsi que d'autres manifestant devant les banques, où ils demandent à être remboursés de leur argent, et la liste est longue !

En raison des circonstances libanaises susmentionnées, il est franchement temps de remettre le dilemme d'une « révolution » à sa juste place, d'autant plus que les événements libanais sont encore présents dans la phase préliminaire d'une révolution, en plus du rejet constant de la part du gouvernement.

Alors, les citoyens libanais doivent-ils sauter aux conclusions en appelant cela une révolution en premier lieu ? En théorie politique, il s'agirait d'un soulèvement en cours, tout au plus d'un « printemps ».

La recherche de nouveaux niveaux dans des conditions particulières

Au cours des trois derniers mois, l'Association du Barreau de Beyrouth, soutenue par celle de Tripoli, a connu une montée en puissance notable qui combat les autorités judiciaires libanaises en matière de justice, de transparence, d'enquêtes légales et de responsabilités. Il s'agit d'une réforme majeure dont le pays a grandement besoin, et ceci représente un début de retour en force car cela ressemble au Troisième pouvoir dans la spiritualité - cela fait référence à l'Assemblée nationale qui a eu lieu en France en 1989, quand on a décidé de forcer la population noble à renoncer à ses privilèges ainsi que son pouvoir sur les droits fondamentaux des citoyens. De cette façon, il semble que le Liban ait une chance de prendre un tournant radical et un changement des événements.

Cependant, il existe toujours une ancienne légitimité nationale qui joue un rôle important pour éviter un progrès constant qui conduirait à un changement complet du système corrompu ultime. Plus précisément, elle a toujours été soutenue par une légitimité internationale qui continue d'en tirer parti, afin d'accomplir ses intérêts au Moyen-Orient. Cependant, les interventions étrangères ne doivent pas être rendues responsables des échecs internes répétés du pays.

D'ailleurs, la crise économique actuelle, ainsi que le fait que plus de 55% de la population soit prisonnière de la pauvreté, remonte fortement à ces dernières années.

En 2011, la balance des paiements libanaise (BOP) a commencé à s'effondrer en raison d'une augmentation des importations afin d'apporter plus de dollars, ce qui maintient la monnaie libanaise à flot. Cette situation a progressivement augmenté au cours des années suivantes, pour finalement atteindre un montant record en 2020 : 9,6 milliards de dollars, selon un ingénieur financier.

Néanmoins, aucun des partis politiques parlementaires n'a pris la peine de mettre en œuvre une quelconque réforme. Cela indique une ingénierie légitime de la détérioration de l'économie.

Par conséquent, les soulèvements qui ont eu lieu et qui continueront à avoir lieu sont menacés de frustration.

 

Maintenir la hausse et continuer à avancer

Depuis, la puissance des soulèvements libanais est menacée d'échec.

A l'origine, en tant que régime démocratique, le Liban est le plus à même de gérer la continuité des soulèvements de manière productive, puisqu'il ne possède pas la meilleure puissance militaire, ni le potentiel pour « frapper comme le foudre, voler comme l'éclat », comme le disait Napoléon, ni la base économique solide pour se remettre du « règne de la terreur », comme ce fut le cas dans Le Directoire de 1795-1799; tandis que des entités plus indépendantes se dressent avec force pour la justice, la conscience intellectuelle, ainsi que pour la diffusion d'une légitimité populaire dans la catégorie la plus influente de la société libanaise, mais avec la même classe moralement et financièrement affectée - les électeurs. Un nouveau chapitre doit être écrit.

Dans le but de renverser le système corrompu contrôlé par la « monarchie » des mafias, les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif ne devraient-ils pas être mis en œuvre de manière constitutionnelle ? Une « exécution de Louis XVI et Marie Antoinette » n'est-elle pas nécessaire ? Un soulèvement devrait avoir lieu par l'exercice le plus puissant de la démocratie : une majorité d'intellectuels réformateurs prenant d'assaut les loges des élections de 2022. 

Les soulèvements démocratiques assurent le progrès

En commençant par les appels à la justice et aux droits de l'homme initiaux de la plateforme de l’Association du Barreau, et les entités d'éducation publique, par lesquelles, selon le Forum économique mondial, le Liban est classé mondialement comme le 4ème meilleur pays pour l'éducation mathématique et scientifique, jusqu'à la commission législative indépendante occasionnelle présente au parlement (le projet de loi de décentralisation de 2014, qui n'est pas exclusivement contre l'autorité passive, mais où une opposition puissante pourrait naître, où aussi plus de coordination et plus d'assemblées législatives peuvent effectivement attirer la confiance de la population, ce qui est très crucial pour atteindre une majorité d'intellectualité réformatrice dans la société libanaise) - le changement doit être mis en place. De plus, il ne faut pas oublier que le rejet fait partie intégrante de la liberté, et que la liberté est un acte absolu d'opposition permanente devant des actes illégaux. Ceci affirme que le concept d'une révolution au Liban est encore loin de la réalité, et principalement, la barrière est une question de temps en plus d'une radicalisation culturelle.

Après tout, « Voulez-vous vous rendre compte de ce que c’est que la révolution, appelez-la Progrès ; et voulez-vous vous rendre compte de ce que c’est que le progrès, appelez-le Demain ». Cette phrase est tirée des « Misérables », qui renforce l'idée que les événements qui se sont produits à la suite de la révolution du 17 octobre ne doivent pas être réduits. Inversement, il convient d'assister à une amélioration intellectuelle avec une pratique adéquate dans les jours à venir, plutôt que de sauter à de fausses conclusions qui puissent obstruer les voies essentielles de l'amélioration. En d'autres termes, ils devraient être considérés comme le début du chemin vers le CHANGEMENT.

This article is translated by Mira El Khawand, translator of The Phoenix Daily.

This article was originally published on July 24th, 2021.

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