Le Liban dans le grave besoin d’une réforme: Est-ce que le pays est prêt pour un nouveau contrat social?

Analyse d’opinion de Myriam Akiki, rédactrice

Septembre 13, 2021

Le contrat social était toujours la théorie la plus populaire à l'égard de la naissance de l'État. Il précise que la société est fondée sur un accord mutuel entre les groupes divers de la société et l'État, ce qui établit les règles tant morales que sociales sur le comportement, le règlement des droits ainsi que des obligations des deux parties l’une vers l'autre.

Autrement dit, le contrat social est un accord entre les gens et leur dirigeant - dans le contexte d’aujourd’hui, leur gouvernement - dans lequel les gens consentent à donner le pouvoir au gouvernement et attendent de lui la protection de leurs droits en retour.

Thomas Hobbes, John Locke et Jean Jacques Rousseau ont tous eu leur part pour expliquer le contrat social dans leurs propres moyens. Selon Hobbes, les individus étaient nés dans un état de nature qui était caractérisé par le conflit permanent, la violence et la guerre. Ainsi, ils acceptent de concéder leurs droits à un dirigeant et lui donnent le pouvoir absolu. Pour Locke, l'état de nature était néanmoins celui d'égalité entre les individus, dans lequel ils consentent avec le dirigeant à concéder une partie de leurs droits pour recevoir la protection et le maintien de leurs libertés en retour. D'après Rousseau, l'état de nature était celui de la liberté et l'indépendance dans lequel les gens se consentent entre eux  à concéder leurs propres droits pour préserver les droits et les libertés de la société entière. Les trois interprétations peuvent changer à différents égards, mais elles ont toutes le même point en commun, ce qui est croire au droit de la liberté.

Et donc, la question est celle-ci: pourquoi devons-nous soulever ce sujet? Si vous croyez que la théorie elle-même est complexe, son application au Liban est encore plus compliquée. Certainement, la situation actuelle au pays pose plusieurs questions à l'égard du statut de son contrat social.

Le contrat social initial au Liban peut être celui convenu entre les dirigeants français et libanais pendant l'établissement de l'État du Liban, quand la séparation confessionnelle du régime politique fut institutionnalisée. Ce régime a éventuellement mené à une guerre civile qui s’est terminée en réinitialisant le même régime politique avec l’Accord de Taëf en 1989 par lequel le peuple Libanais est régi depuis lors. Il est important de noter que l’Accord de Taëf n'a jamais été mis en œuvre intégralement, mais plutôt, les pouvoirs politiques dans le pays ont choisi d'appliquer ce qu’il voulait et ont ignoré ce qui ne s’adaptait pas à leurs intérêts.

Dans les deux moments, à l'initial établissement de l'État du Liban et à la négociation de l’Accord de Taëf, c’était la classe dirigeante qui s’alignait avec la volonté des parties externes, qui peuvent avoir de l’influence sur le contrat social mais éventuellement, les acteurs principaux doivent être l’État et la société. Dans les deux cas, la société libanaise n’a pas eu son mot à dire dans le sujet. Elle a acquiescé à la volonté politique, tout en espérant qu’elle mènerait à une forme de paix en quelque sorte.

Tout cela conduit à une seule question: est-ce que le Liban a vraiment eu un contrat social?

D'après l’accord, l'État offre à son peuple la protection (qui dépend de l'autorité publique), la provision (qui dépend de la capacité publique) et la participation à la prise de décisions politiques (qui engendre la légitimité publique). En échange, les gens reconnaissent la légitimité de l'État envers lequel ils s'acquittent de leurs obligations (payer des impôts, s’inscrire au service militaire ou civil, etc.)

Aujourd’hui, le pays est descendu en état de chaos, au milieu d’une pandémie, un effondrement économique, une pénurie du carburant, du gaz, de l’eau, des médicaments et du pain, tout cela sans aucune solution durable. Avec cela étant dit, on peut affirmer que l’Etat du Liban en lui-même a failli. Son autorité n'existe plus depuis longtemps, il n’est en aucun cas capable de fournir à ses citoyens et la grande partie des libanais ne le considèrent plus légitime. Le Liban est désespérément en besoin d’un nouveau contrat social. Toute variante du système actuel n'amènera qu’à la répétition de l’histoire et en conséquence, volera la liberté des citoyens libanais encore une fois.

Réinitialiser le système n'a aidé qu’au retardement de la chute de l'État. En regardant il y a quelques années avant, la vie au Liban n'était pas si mauvaise. Elle ne correspondait certainement pas à la vie dans les pays riches du monde, mais elle était assez respectable en quelque sorte. Cependant, il y a tellement de fois qu’on peut réinitialiser quelque chose avant qu’elle se brise.

Donc, où va le Liban d’ici? Il n’y a pas encore de réponses claires parce que la volonté politique fait défaut malgré le fait que la volonté de la société existe. Une grande partie de la société libanaise a exprimé son refus du système politique en cours et des dirigeants politiques, mais ces derniers restent toujours au pouvoir.

Il se fait valoir qu’ils tiennent toujours leur légitimité car ils ont bien bénéficié du système confessionnel et ils ont réussi à former leurs propres contrats sociaux avec leurs partisans correspondants, encourageant de plus la séparation de la société libanaise et instaurant le "clientélisme" dans un système déjà corrompu. Néanmoins, ce cycle pourrait bientôt se défaire puisqu'être un homme d’État au Liban n'est plus autant lucratif comme c’était le cas avant. Alors que quelques-uns essaient toujours de se remplir les poches autant que possible et d'autres s’accroche encore au système traditionnel par l’amour “d’être au pouvoir”, tous pourraient atteindre une impasse parce que les crises actuelles ne se termineront pas sans une réforme politique majeure. Et tandis que diverses parties politiques peuvent demander un nouveau contrat social, il n'existe jamais un plan d’action sérieux; ce qui nous permet à penser que ces demandes ne sont plus que populiste.

En outre, regardant le domaine international actuel, c’est clair que les acteurs internationaux externes ne donnent plus d’attention au Liban comme c'était l’habitude. Ils promettent l’aide mais ils ne l’offrent pas. Ils demandent aussi un changement au Liban mais ils n’emploient pas les moyens pour l’atteindre comme ils l’auraient fait dans le passé. Les politiciens qui avaient le soutien de quelques pays sont maintenant abandonnés à leurs propres moyens. Il semble que le monde s’est lassé de la situation au Liban, ce qui n’est pas aussi grave parce que cela laisse place à la voix des citoyens pour être entendues et pour agir, loin des interactions non désirées.

Le Liban peut sembler être paralysé pour le moment, et peut être une idée claire sur la forme du nouveau système n'existe pas encore, mais cela ne doit pas être un obstacle dans la voie d'une réforme complète. Plutôt, cela doit être une incitation à discuter et à pousser vers ce nouveau contrat social, qui doit être à la hauteur des attentes des citoyens libanais d'aujourd'hui.

Dans le passé, ils n’avaient jamais pensé que la guerre civile se terminerait, mais c’est arrivé. Ils n’avaient jamais pensé que l’occupation israélienne se terminerait en 2000, mais c’est arrivé. Ils n’avaient jamais pensé que les troupes syriennes quitteraient la terre libanaise en 2005, mais c'est arrivé. Et donc, pourquoi consentir à un nouveau contrat social n’arriverait-il pas?

 

Références:

-           The Social Contract: An Analytical Tool for Countries in the Middle East and North Africa (MENA) and Beyond, German Development Institute, 2019

-           Joseph Bahout, Paper On The Unraveling of Lebanon’s Taif Agreement: Limits of Sect-Based Power Sharing, 2016

This article is translated by Zeina Shoujaa, translation intern of The Phoenix Daily.

This article was originally published on September 9th, 2021.

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