Les athlètes sont poussés à bout: Les Jeux olympiques de Tokyo 2020 suscitent des inquiétudes quant au bien-être des athlètes

Analyse d’opinion de Maria Wehbe, rédactrice

Août 10, 2021

« Les obstacles ne doivent pas vous arrêter. Si vous vous trouvez face à un mur, ne faites pas demi-tour et n'abandonnez pas. Trouvez un moyen de l'escalader, le traverser ou le contourner. » - Michael Jordan

Mais qu'en est-il si ces obstacles sont au détriment de notre bien-être mental et physique ? Et si, pour surmonter ces obstacles, il fallait renoncer à sa santé mentale ? De nombreux athlètes sont confrontés à ce dilemme : ils doivent choisir entre se surpasser et donner la priorité à leur bien-être. Malheureusement, c'est la dure réalité de nombreux athlètes d'aujourd'hui, qui s'entraînent pendant d'innombrables heures et sont épuisés mentalement et physiquement chaque jour, juste pour être au top. Mais à quoi bon être le meilleur si vous n'êtes pas dans votre meilleur état ? C'est une chose dont Simone Biles, médaillée d'or olympique, a pris conscience lorsqu'elle s'est retirée de la finale de la gymnastique féminine par équipe aux Jeux olympiques de Tokyo 2020 le 27 juillet, déclarant qu'elle l'avait fait pour tenter de protéger « son corps et son esprit ». « Chaque fois que l’on se trouve dans une situation de stress élevé, on panique en quelque sorte. Je dois me focaliser sur ma santé mentale et ne pas mettre en péril ma santé et mon bien-être. Les concurrents ne sont pas seulement des athlètes, nous sommes des personnes, au bout du compte », a déclaré la jeune femme de 24 ans. Cette situation soulève de nombreux signaux d'alarme quant à la façon dont les athlètes sont traités aujourd'hui et les problèmes de santé mentale sont rapidement devenus le centre d'intérêt des Jeux olympiques de Tokyo 2020.

Ce n'est pas la première fois qu'un athlète se retire des Jeux olympiques. Lors des Jeux olympiques de Rio 2016, la Roumaine Simona Halep, numéro cinq mondial, et le Canadien Milos Raonic, numéro sept mondial, ont été les premiers joueurs de tennis à se retirer de l'événement en raison des inquiétudes suscitées par le virus Zika, qui serait lié à des malformations cérébrales chez les nouveau-nés. « Je prends cette décision pour diverses raisons de santé, y compris l'incertitude liée au virus Zika. La famille est bien trop importante pour moi et je ne peux risquer de ne pas pouvoir en avoir une quand ma carrière de tennis est terminée », a déclaré Halep. La même année, plus de 20 joueurs masculins se sont retirés de la compétition. Le fait que Halep et Raonic soient des joueurs aussi bien classés et qu'ils aient cité le virus Zika comme une raison valable de se retirer a rassuré certains autres athlètes. « S'il y a d'autres joueurs qui partagent leurs préoccupations, il est possible que cette nouvelle les fasse se sentir plus à l'aise pour se retirer », a déclaré Russell Fuller, spécialiste du tennis à la BBC. Cela démontre la pression et le stress que subissent ces athlètes, qui remettent parfois en question leurs propres décisions en raison de ce que les gens peuvent penser d'eux. Tomber malade était un risque que ces athlètes n'étaient pas prêts à prendre, quelle que soit la pression extérieure et la culpabilisation – en fin de compte, ils ont décidé de se donner la priorité, et pourtant, malheureusement, tous les athlètes ne font pas les mêmes choix.

Si l'on revient aux Jeux olympiques de cette année, il n'est pas surprenant qu'il ait été difficile de s'entraîner, c'est le moins que l'on puisse dire. La COVID-19 a fait des ravages chez ces athlètes et ils ont été parmi ceux qui ont le plus souffert mentalement. Généralement, les athlètes olympiques et paralympiques sont habitués à une routine fixe qui les maintient en forme, mais l'incertitude de cette pandémie a entraîné des perturbations. Le sport n'immunise pas les athlètes contre les problèmes de santé mentale, même si les bienfaits de l'exercice et de l'activité physique sont immenses. En raison de cette pandémie, les Jeux olympiques de 2020 ont été reportés, et lorsque les jeux ont enfin commencé cette année, les athlètes n'avaient pas leurs proches à leurs côtés, dans les tribunes, pour les soutenir. Finalement, le stress et l'anxiété sont devenus trop accablants, et il n'est pas surprenant que certains athlètes se soient retirés de leurs compétitions respectives ; le stress d'être un athlète professionnel est suffisant pour affecter leur santé mentale, même dans les meilleures circonstances. « Il a été difficile de faire face au fait de devoir enfin se pencher sur mon bien-être émotionnel et mental. Beaucoup d'entre nous choisissent de négliger la santé mentale jusqu'après nos compétitions », a déclaré l'escrimeur olympique Curtis McDowald. Malheureusement, c'est le cas de la plupart des athlètes aujourd'hui, surtout ceux qui participent à des compétitions très importantes comme les Jeux olympiques. Ils ont tant de soucis à se faire : s'entraîner autant que possible, s'assurer de leur place dans ces compétitions, rester en forme, impressionner tous ceux qui les entourent tout en essayant de rester sain d'esprit - ce n'est pas une tâche facile, et il n'est pas étonnant que tant d'athlètes finissent par « péter les plombs ».

Les événements de ce genre ne se limitent pas aux Jeux olympiques. En effet, Naomi Osaka, une joueuse de tennis professionnelle japonaise, s'est retirée de Wimbledon cette année. Elle l'a fait après avoir gagné son match de premier tour et a déclaré que la raison de son retrait était qu'elle donnait la priorité à sa santé mentale ; elle a dit qu'elle avait besoin d'un peu de temps loin de la compétition, révélant une fois de plus la quantité d'anxiété et de stress que ce genre d'événements induit. Son plaidoyer pour la santé mentale des athlètes a été au centre de l'attention depuis son retrait et elle a profité de l'occasion pour passer du temps avec ses amis et sa famille. Elle a toutefois décidé de participer aux Jeux olympiques de Tokyo 2020. 

Bien que ces athlètes soient généralement stressés et préoccupés par la quantité d'entraînement qu'ils font et par le fait de devoir rester en forme, d'autres athlètes doivent également tenir compte de facteurs externes. En effet, tous les pays n'ont pas le budget nécessaire pour entraîner leurs athlètes pour des compétitions comme celles-ci, ce qui les rend anxieux, car ce n'est pas leur compétence qui leur fait courir le risque d'être disqualifiés ou même de perdre, mais plutôt le manque de budget et de ressources. En fait, rien qu'aux États-Unis, l'Elite Athlete Health Insurance Program et le National Medical Network fournissent aux athlètes d'élite des services d'une valeur de plus de 6 millions de dollars par an. En outre, 186 athlètes ont reçu une aide à la scolarité dans le cadre du programme ACE (Athlete Career and Education) jusqu'à présent et le Comité olympique des Etats-Unis (USOPC) s'est associé à 16 sites d'entraînement olympique et paralympique américains pour offrir des installations d'entraînement de classe mondiale aux athlètes américains. Malheureusement, tous les pays n'ont pas ce privilège envers leurs propres athlètes.

Prenons le cas du Liban. Avec peu ou pas de ressources financières, les pays en développement comme le Liban allouent souvent de très petits budgets au secteur du sport. De plus, le gouvernement libanais n'a pas l'approche stratégique nécessaire pour qu'une nation puisse réussir dans le sport d'élite. Cela conduit à ce que des pays comme le Liban soient qualifiés d'États faibles, indépendamment des capacités et du talent de ses athlètes. Les athlètes libanais se heurtent à plusieurs obstacles qui bloquent leur réussite : entraînement inefficace, absence d'harmonie entre les membres de l'équipe, systèmes de récompense et de reconnaissance inefficaces, dirigeants qui n'ont pas les compétences requises, manque de communication efficace et attitude parfois négative des athlètes. En conséquence, les athlètes libanais n'ont pas été en mesure de remporter des titres majeurs jusqu'à présent, mais la motivation et la volonté de se battre pour cela sont toujours là, surtout compte tenu des circonstances actuelles du pays. Avec la pandémie actuelle qui a fait des ravages dans l'économie libanaise, l'hyperinflation, l'agitation politique, les taux de pauvreté, les incendies de forêt, etc., l'entraînement pour les Jeux olympiques de Tokyo 2020 a été très difficile et source de stress. Ces athlètes méritent les plus grands applaudissements, car peu importe ce que le pays a traversé, ils ont continué à se battre bec et ongles pour ce en quoi ils croient – ils voulaient représenter leur pays du mieux qu'ils pouvaient et remporter le titre pour leur peuple. En fait, Munzy Kabbara a récemment emporter la deuxième place dans l'épreuve masculine de 200m 4 nages individuelles aux Jeux olympiques de cette année, et il est la véritable représentation de la résilience.

« Faites passer la santé mentale avant tout, car si vous ne le faites pas, vous n'apprécierez pas votre sport et vous ne réussirez pas autant que vous le souhaitez. Il est bien de ne pas toujours participer aux grandes compétitions pour se concentrer sur vous-même, plutôt que de vous battre, car cela montre à quel point vous êtes un compétiteur et une personne forte », a récemment déclaré Simone Biles dans une interview. Ces paroles de sagesse sont celles que tous les athlètes devraient suivre et respecter, que ce soit pour leur bien-être mental ou physique. Donner la priorité à sa santé mentale et physique n'est pas un signe de faiblesse, mais plutôt de force. Les athlètes devraient être respectés et bénéficier d'une pause ; ce sont des personnes au bout du compte et ils méritent d'être traités comme tels.

This article is translated by Mira El Khawand, translator of The Phoenix Daily.

This article was originally published on August 5th, 2021.

Next
Next

Droit Humanitaire International - Une loi à remettre en question en Palestine